Dans l’Alger musical du troisième millénaire, le « zenqaoui », genre issu, en 2017, des stades et de la rue, fonctionne à plein volume et, chaque année, plusieurs dizaines d’artistes se disputent le terrain du fameux « tube de l’été ». C’est dire que la concurrence est très rude et la réussite pas toujours évidente sauf si l’on apporte un peu de son neuf. C’est le cas de Mohamed Grib plus connu sous le nom de Mouh Milano, fan de l’USMA (Union Sportive de la Médina d’Alger), un club de la capitale algérienne, détenteur de la ligue des champions africaine, et de l’AC Milan, deux équipes qui arborent les mêmes couleurs, rouge et noir, sur leurs maillots. Mouh est né à Alger centre le 15 février 1995 mais a grandi dans la casbah, là où le chaâbi, populaire citadin, a poussé ses premiers cris. A l’instar de nombreux jeunes de son âge, il a dû interrompre trop tôt sa scolarité pour aider sa modeste famille à subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Il devient commerçant de rue le jour et il écoute, pour se distraire autant que pour dissiper les affres du quotidien, diverses musiques, en priorité le chaâbi algérois et d’autres courants tel le raï, un peu d’oriental et du hip hop. Tous ces genres vont se bousculer dans son cerveau, lui feront tourner la tête et envelopperont tout son être, et ainsi naîtra une vocation.
Son itinéraire empruntera les chemins du stade comme animateur de galerie et sa voix puissante se détache nettement de celle des autres supporters. En 2019, il rejoint le groupe Ouled El Bahdja qui enflamme les foules avec son titre « La casa d’El Mouradia » à la fois enragé et engagé. Il y aura également « On est là » pour soutenir l’équipe nationale algérienne.
Tête bien faite et surtout tête bien pleine d’ouverture et d’inventivité, Milano, après avoir fait un grand buzz avec « Casabah City », à consonnance africaine et avec un clin d’œil appuyé à Nelson Mandela, se distingue très vite, en 2020, par un morceau percutant, « Machafouhach » (Ils n’ont pas vu sa détresse) qui lui ouvre, toutes grandes, les portes de la notoriété. Il dépasse aujourd’hui les 500 millions de vues sur le net. Ce gros succès, qui a ému tout le Maghreb mais aussi l’Egypte, les pays du Golfe, l’Egypte et le Liban plus les communautés établies en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Canada ou en Norvège, lui fait gagner la gloire sans lui faire perdre l’esprit. Ni une inspiration encore et toujours aussi féconde. Il le démontrera au fil de chacune de ses nouvelles compositions, et l’artiste, dont chaque mélodie se veut une rencontre au sommet, est fort capable de faire se rapprocher des montagnes, ou à défaut les déplacer. Ses musiques ont du caractère et souvent un tempérament de feu, ses textes sont frappés au coin du bon sens et ses rythmes peuvent s’adresser autant à l’ouïe qu’aux hanches. Mais il va plus loin encore quand, rejetant toute juxtaposition, il parvient, avec une rare subtilité, à rapprocher musicalement des espaces géographiquement éloignés, en se riant des frontières, en se moquant des académismes ou en dynamitant les cloisonnements. A l’aise sur divers registres, il sait, en d’ingénieux « fondu-enchaîné », passer d’un style à un autre sans en altérer leur essence. Le tout est le produit d’un héritage oral qu’il a su fructifier.
Chaque clip de Mouh Milano est regardé par des millions de fans dont les rangs ne cessent de grossir et que ce soit sur Tik Tok ou sur sa chaine YouTube, il ne cesse de pulvériser les records. Il sait réconcilier passé et présent, culte de la marge et reconnaissance sociale, une langue, intégrant français, anglais, espagnol voire turc au sein du dialectal algérois compréhensible de tous, et c’est sans doute cette quête d’identité plurielle qui attire massivement jeunes comme familles vers son répertoire riche en thèmes à l’image de «Mazalni Kima Bekri » (Fidèle aux bonne manières d’antan », « Ghazali (Ma Gazelle sonnant comme un hommage à Cheb Hasni) », « Nad El Borkane » (Eruption volcanique, destiné à ceux qui souffrent de la perte d’un être cher) ou « Aalam Thani » (Un autre monde, où il s’en prend à la violence, au gaspillage et à la trahison), Bien des chansons de Mouh Milano, jamais vulgaires, peuvent revêtir un aspect existentiel où les situations extrêmes évoquées permettent à chacun d’identifier quelques-uns de ses malheurs ou assouvissent une part de la révolte sociale d’une jeunesse négligée, majoritaire numériquement mais exclue socialement, dont une fraction sait déjà qu’elle ne trouvera pas de place au soleil, pas de place tout court, le tout sur fond d’incompréhension familiale, de frustrations amoureuses ou de surpeuplement des logements. Ce qui a motivé le mouvement du Hirak.
Mouh Milano sait traduire les malaises car dans chaque titre, où se glisse systématiquement une note d’espoir, il y a une part de vécu ressenti ainsi par toute une jeunesse qui se reconnait à travers lui et une destinée qui est la sienne autant que la leur. Entre racines et devenir.
Rabah Mezouane.
credits
released April 26, 2024
Paroles et musique : Mouh Milano
Arrangements : Zino Kendour
Studio : Sky Prod
MLP Music is a world and contemporary music publishing company. Leader of the world music market, it has a catalog of more than 30.000 titles available for licensing and synchronization.
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